Post-confinement, « je n’y arrive plus »

Post-confinement, « je n’y arrive plus »

Le confinement aura duré 2 mois, 3 mois pour certains, le retour au travail se fait de façon progressive en fonction des annonces gouvernementales. Alors que de nombreux Français ont continué à travailler pendant le confinement d’autres ont été placé en chômage partiel.

Nous avons rencontré Maximilien (le prénom a été modifié), Ingénieur Commercial, habitant en région Parisienne, qui a été en télétravail pendant plus de 2 mois. La période post-confinement est, selon lui, « déstabilisante », « culpabilisante » et signe d’une remise en question totale sur son travail, le mode de fonctionnement de son entreprise … au point où il ne sait plus comment avancer.

Qui sont ces travailleurs qui « n’y arrivent plus » ? Pourquoi et comment en sont-ils arrivés là ?

Comment s’est passé la période de confinement ?
« La période de confinement s’est très bien passée. J’étais en télétravail, j’ai pu prendre le temps de me ressourcer, de faire du sport tous les jours tout en continuant mon activité professionnelle à distance. Mes activités personnelles m’ont permis de tenir le coup, et je relativisais, je me disais que nous étions tous dans le même bateau ».

Quelle a été votre réaction lorsque vous avez pris connaissance du déconfinement ?

« J’ai été heureux, bien entendu. J’allais enfin pouvoir revoir ma famille, mes amis et passer des soirées. Mais je ne l’ai pas fait tout de suite, j’ai mis du temps à aller les voir. Je culpabilisais tout le temps. Et si j’avais le covid ? Et si je refilais le covid à mes parents ou à mes amis ? J’ai mis 3 semaines avant de me décider à ressortir ».

Aujourd’hui comment vous sentez-vous ?

« La reprise du travail s’est fait rapidement. Je peux télétravailler mais mon employeur a souhaité que nous soyons présent rapidement au sein des locaux. Nous tournons entre deux équipes, une semaine de 3 jours en présentiel et l’autre de 2 jours. Heureusement la reprise n’est pas trop brutale ».

A votre avis, qu’est-ce qui se serait passé si vous aviez dû retourner brutalement au travail à temps plein en présentiel ?

« Je tiens à préciser que je ne suis pas non plus à plaindre. J’ai eu la possibilité de télétravailler pendant le confinement, j’ai très peu été exposé à certains risques. Donc il ne faut pas mal interpréter mes propos, ce que certaines personnes ont vécu pendant le confinement a été bien plus difficile à gérer. Je vous parle en toute honnêteté et sans me lamenter.

C’est un choc psychologique qui aurait été plus difficile à gérer si j’avais dû retourner du jour au lendemain au travail. J’ai la sensation de vivre sans arrêt dans la peur, l’angoisse et la culpabilité. Je pourrais faire autrement. Je pourrais uniquement télétravailler, quelque part j’en veux à mon entreprise de nous faire prendre ce risque ».

L’idée n’est pourtant pas de télétravailler à vie … ni de se cacher quotidiennement, les entreprises de restauration collective par exemple, risqueraient de même la clé sous la porte.

« Bien sûr. Mais la situation est encore peu stable pour retourner à la vie normale alors que l’on peut faire autrement. Je ne suis pas parano, hélas l’attitude de certaines personnes irrespectueuses me fatigue (non-port du masque par exemple).

J’ai peur de tomber malade ou de rendre malade un proche à cause de leur inconscience. D’ailleurs Paris est un environnement parfois anxiogène et agressif, je n’avais plus connu cela depuis plus de 2 mois et cela ne m’avait pas manqué. Je me rends compte que j’étais tout de même mieux coupé de certains personnes toxiques ».

Qu’est-ce qui a changé concrètement pendant cette période ?

« Moi. Ma peur. Ma culpabilité. Je vis une réelle remise en question : Pourquoi ai-je besoin de faire 50 minutes de transports en commun tous les jours pour faire un travail que je peux faire chez moi ? Je ne suis pas devenu insociable, j’aime être en présence de mes collègues, mais le télétravail me permet de travailler plus, mieux, à mon rythme et diminue énormément mon stress. Et pourtant je vis seul. »

Quelle est l’ambiance générale lorsque vous vous promenez sur Paris ?

« L’ambiance est étrange, à la fois nous sentons que personne n’a oublié, mais également les comportements de certains nous font croire que tout est redevenu normal. Ce qui est faux ! Mais nous devenons fous, on ne sait plus ce qui est acceptable de faire de ce qui ne l’est pas.

Je suis de retour au bureau quelques jours par semaine et pourtant je n’ai jamais eu autant la sensation d’être seul. Je n’ai plus trop de nouvelles de ma famille alors qu’on s’appelait trois fois par semaine en skype, mes amis sont tous over-bookés avec leur taf, ils rattrapent tout le retard accumulé, mes collègues sont distants et je le comprends je fais pareil.

Réellement on ne sait plus comment se comporter. Je trouve d’ailleurs que les personnes dans les transports en commun sont plus agressives, je vois ou j’entends plus de personnes se disputer qu’à la normal. Tout le monde se regarde de travers et si une personne a le malheur de se toucher le nez en portant son masque, on sent le jugement des gens autour ».

Pensez-vous que ce sentiment de « vide », de « solitude » va s’arranger avec le temps ?

« Bien entendu, il faut être patient. On a été confiné du jour au lendemain, on a eu à peine le temps d’apprécier nos habitudes qu’on nous a déconfiné, et je le comprends tout à fait. Tout s’arrange, mais je pense qu’on sera beaucoup à avoir besoin d’une aide extérieure, un psy par exemple. Tout est tellement flou dans nos têtes, on ne comprend pas pourquoi on se sent si mal alors qu’honnêtement, nous ne sommes pas si mal lotis en France ».

Comment allez-vous gérer cela ?

« Comme je l’ai dit en patientant, mais pas que. Le confinement m’aura permis de me concentrer sur des projets personnels, de retrouver un peu l’esprit d’entrepreneur qui sommeillait en moi depuis des années, de créer.

Aujourd’hui je sais que si je veux me sentir bien il faut que j’accorde du temps tous les jours à travailler sur mes projets ou faire un sport que j’aime. Je refuse le métro / boulot / dodo et c’est pour ça que le retour au travail est si difficile ».

Propos recueillis par Trouve Moi un Job

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